Saison 1 | Épisode 5

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Carnet de campagne 3 : Campagne sur réseaux sociaux

Bombe à taguer et graffiti du logo

Trois jours se sont écoulés depuis que j’ai écrit à ce fameux mollusque professeur au sujet des financements de ma campagne pour les élections municipales parisiennes. Toujours pas de réponse. Mon humain pense que j’ai peut-être manqué de politesse en ne respectant pas les codes habituels propres à cette faculté renommée. Moi je trouve que de s’adresser à un poulpe par la formule « Cher Monsieur le Professeur Poulpi, j’ai l’honneur de vous adresser… », ce n’est pas adapté aux circonstances. Et puis l’honneur est sien : je suis quand même Big Penguin !

Déjà une semaine aussi depuis le début des grèves. Toujours pas de transports en commun. Accès aux sashimis encore réduit. Ce midi, j’ai dû manger du poisson décongelé de Picard.

Ma campagne politique perd sérieusement en efficacité.

Hier, j’ai réussi à convaincre mon humain de déposer des tracts et affiches le long des lignes de métro 1 et 14. Mais elle a catégoriquement refusé de tenter de s’enfoncer plus loin dans les rues de Paris. On s’est alors rabattu sur les réseaux sociaux pour continuer ma campagne d’influence.

Après l’avoir péniblement convaincue de changer de nom sur ses comptes pour gagner en crédibilité (je n’ai pas vraiment saisi pourquoi elle avait l’impression de se suicider socialement) on a lancé mes premières campagnes publicitaires Facebook. Ce qui a eu pour finalité de bloquer mon compte.

Je n’ai pas trop compris pourquoi. Apparemment c’est en rapport avec le fait que je sois trop « politique ». Mais tout ça n’est pas très clair et semble très arbitraire. Peut-être que je devrais envoyer mon humain en stage là-bas. Je pense que ce serait très formateur : ils ont l’air d’être rôdés en collection de données personnelles et c’est même très ingénieux puisque l’expression libérée de chacun sur son propre compte dissimule la prise de mesures radicales obscures et sans avertissement à l’encontre des utilisateurs. Je devrais m’inspirer de leur modèle pour mon futur régime.

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Le fait est, que mon rayon d’action est limité. Ça m’irrite. Et je m’ennuie. Et je risque de m’éloigner de mes objectifs. Bref, je recherchais activement une occupation quand je suis tombé sur une bombe de peinture rouge trouvée au fond d’un placard. Ça m’étonnait que mon humain détienne un tel objet :

– D’où est-ce que tu as un spray de peinture ? Tu fais des graffitis ?

– … Non… juste une idée comme ça… mais j’ai pas concrétisé… (d’un geste de la main elle essaya sans succès de faire partir la discussion)

– Pourquoi ?

– Faute de trouver un mur… (elle haussa vaguement les épaules)

– Mais il y en a partout des murs !

– Oui mais c’était pas le BON mur ! Je peux pas faire ça comme ça n’importe où !

– Pourquoi ?

– C’est du vandalisme gratuit… Dégradation de bien… Ça coûte cher si on se fait prendre : une amende très élevée et des travaux d’intérêt général. Et puis ce n’est pas comme si j’allais faire une fresque à couper le souffle…

– Bah, il suffit de ne pas se faire prendre alors… de toute façon avec toutes les manifestations et les grèves, les policiers n’ont que faire de nous ! Tiens, les types qui marchent dans les rues pour avoir le droit de porter des gilets jaunes fluo ne sont pas de nouveau là ? C’est d’ailleurs la raison la plus bizarre que les français ont eue pour justifier grèves et manifs…

– Mmm… Je ne crois pas que l’objet de leurs revendications porte sur leur tenue vestimentaire… – Peu importe, à cause d’eux je ne peux pas manger des sushis aujourd’hui !

– En fait, les grèves aujourd’hui c’est pour les retraites, pas les gilets jaunes.

– Pffff… Ils ne devraient pas se faire tant de soucis, d’ici là je serai depuis longtemps au pouvoir et ils travailleront de toute façon pour moi et l’intérêt de la banquise ! Je vais leur en donner une de cause valable pour vivre : plutôt que des gilets ou de l’argent ce sera pour sauver la planète ! Allez, viens, on va faire un acte de vandalisme gratuit pour s’amuser un peu ! Et puis, tant qu’à faire on va le rendre politique !

En taguant mon mur j’ai pensé à un truc. C’est que les humains ont vraiment toujours besoin de se justifier et ils donnent rarement la raison véritable de leurs actes. Par exemple, la mienne se sert des grèves de transport comme excuse pour rester enfermée chez elle, alors qu’en fait elle a juste la flemme de sortir pour prêcher ma bonne parole.

Je me suis bien amusé aujourd’hui, mais on ne peut pas dire que ce vandalisme politique gratuit portait un message frappant. C’est pas ça qui allait enclencher une révolution en faveur de l’avenir de la planète et me permettrait ainsi d’effectuer un putsch.

On a pris nos graffitis en photos et je les ai publiés sur Instagram et Facebook pour en étendre la portée. Ça ne déclenchera toujours pas de rébellion, mais j’étais quand même assez fier du mien, par contre je n’ai pas compris le sien.

– « DEF » ? C’est quoi ça ?

– « Défense de taguer ». J’ai vu ça à l’université la semaine dernière. En fait c’est une référence à George Orwell, « défense d’afficher », c’est un acte de protestation contre l’arbitraire de l’Etat.

– Et les gens devinent tout ça rien qu’avec les trois premières lettres ?

– … non, j’ai entendu la sirène d’une voiture de police et j’ai paniqué alors je suis rentrée.

– Mais c’était une ambulance ! Tu aurais pu revenir pour finir !

– … je n’étais plus vraiment d’humeur…

– En fait t’as eu la frousse !

Elle fit la moue, puis, alors qu’elle redressait théâtralement la tête pour m’ignorer ostensiblement, elle se retourna subitement vers moi en fronçant les sourcils :

– Mais au fait… Si tu mets les photos sur Instagram, c’est comme si on criait sur les toits notre acte de vandalisme !

– Exactement.

– Mais… c’est complètement crétin ! Tout le monde va les voir !

– Justement, c’est le but !

– Eh ! je ne vais pas faire des travaux d’intérêt général à cause de toi quand même !

– Trop tard, c’est en ligne.

– Rassure-moi, tu n’as pas noté en commentaire que c’est nous les auteurs de ces tags ?!

Je restais totalement impassible lorsqu’elle se penchait vers l’écran pour regarder ma publication « Voilà ce que les grèves nous poussent à faire : vandalisme politique gratuit aujourd’hui de Big Penguin et son humain dans les rues désertes de Paris ». Et j’ai tagué le compte personnel de mon humain sur la photo.

– Mais… mais… C’est comme si on avouait notre crime ! Tu ne voulais pas indiquer l’adresse aussi ? Enlève-moi ça tout de suite !

– Calme-toi, peut-être que personne ne portera plainte et si c’est le cas, je m’en souviendrai le jour où je serai au pouvoir.

– Me voilà rassurée… (son ton trahissait un manque de sincérité flagrant sur ces derniers propos)

– N’oublie jamais :

Big Penguin is watching YOU

Big Penguin a écrit au professeur. Quelle va être sa réponse ?

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